Ledéclic a été de voir ma mère recracher en larme tout ce qu' elle a bu de mes bouteilles à la mer, bombe humaine soprano; Année : 2008; Paroles : Toi qui n'a plus rien à perdre depuis que l'ange Gabriel S'est habillé en militaire pour te prendre père frère et mère Qui n'a plus de repères, qui regarde le ciel Avec espoir de voir pleuvoir des aides humanitaires Toi qui Commeon laisse une derniere lettre près d' une boite de prosak vide Ca a été trés difficile pour moi de venir ici , D 'accepter ma dépendance à la mélancolie Le déclic a été de voir ma mère recracher en larme tout ce qu' elle a bu de mes bouteilles à la mer, Je m' en veux de la voir si triste Alors qu' elle n'a jamais été la lame de mes cicatrices Ni personne de ma famille d Paroles 2: Comme Une Bouteille A La Mer: 92 lectures: Ajouter à mon blog; Noter Ramène la caille à la zon et évite la zonz Fait toi un gonze, un gosse et sur nos plages bronze. Etre libre comme la colombe, des colons J'me délivre vu qu'ils ne livrent rien de mes livres Rien à fouttre d'leur sapin, et d'leurs feux d'artifices Mes rap des coups d'feux sur leur putain d'artifice. Commeon laisse une dernière lettre près d'une boite de Prozac vide Ça a été très difficile pour moi de venir ici, d'accepter ma dépendance à la mélancolie Le déclic a été de voir ma mère Jme sens, comme une bouteille à la mer, noyé dans les vagues de la mélancolie d'la vie Comme une bouteille à la mer, j'me sens SOS Comme une bouteille à la mer, à la recherche d'une ville d'un navire qu'on puisse me repêcher et lire ce qu'il y a dans mon coeur, ce qu'il y a en moi Comme une bouteille à la mer, j'me sens 3Ev2. Encore une prise de bec avec ma mèreJ'fais le sourd, claque la portePour oublier j'ricane avec mes potes en tapissant un blocLe visage plongé dans les étoiles, noyé dans ma gambergeJ'cherche une île, une berge, ou au moins un bout d'bois J'me sens, comme une bouteille à la merJ'vais où l'flot de la vie m'mèneLoin de tout, même de ma mèreLa vie m'a offert la solitude de RobinsonJ'voudrais repeindre ma vie, mais je n'trouve pas le bon pinceauCertains ont fait le grand saut, mariés, des enfantsNous lâchent leurs discours de réussite, leur vie est mieux qu'avantC'est ce qu'ils nous disentJ'vois d'la lassitude dans leur regardMais eux au moins ont essayé d'sortir de leur brancardMoi, j'ai l'impression d'avoir raté des tas de trainsPourtant je n'ai jamais quitté l'quai, la preuve les jeunes meSquattent, ça craintLe temps a soufflé sur ma vingt-cinquième bougieJ'en suis même pas sûr, j'suis toujours dans le même logisDans la même logique;Le piano des Feux de l'Amour pour m'réveillerLa petite sœur pour m'faire à graillerBrailler, j'l'ai fait pour un rienPour m'calmer j'rappe, d'autres roulent, voilà nos deux moyens aériensUne femme, des fois j'me dis que c'est la plus grosse arnaque d'la vie d'un hommeCertains disent qu'une d'elle un jour viendra un jour éclairer mon ombreJ'espère le voir d'cet anglePour l'instant les couteaux qu'j'ai sur mes omoplates ont des traces de rouge à onglesMais bon la vie faut la vivre, donc j'la visFuis les vitres brisées d'mon existence, continue navigueMême dans l'videJ'vire à tribord, prends la fuite, à travers mes lignes te décris mes ridesMe construit un mythe, obligeJ'sens qu'mon pouls ralentitFaut qu'j'laisse une trace d'un mec honnête ou d'un gros banditRien à foutre, faut qu'j'prouve que j'ai été vivantSi tu penses que j'dois voir un psy, dis-toi qu'j'n'ai qu'le rap comme divanM'man la marée est haute, et j'me laisse emporter par les vaguesElles sont trop fortes, j'voudrais t'dire que j't'aime mais j'ai trop le tracMarque mon front de ton sourire, s'il te plait oublie toutes les fois où j't'ai fait souffrirJ'sais qu'l'effort est une force que j'maitrise peuEt j'sais aussi qu'c'est le parapluie qu'il faut quand sur tes joues il pleutMais dans ma tête j'entends des coups de flingue incessantsUn braconnier a laissé des plumes de colombe, plein de sangJ'voulais apprendre à donner, j'ai appris à tout mangerApprendre à pardonner, j'ai appris à me vengerJ'voulais apprendre à aimer, j'ai appris à haïrJ'ne voulais pas ramer, j'l'ai fait, avec un gros navireJ'ai voulu éviter la pluie, j'l'ai affronté en t-shirtJ'la voulais pour la vie, j'ne l'ai eu que pour un flirtJ'me sens, comme une bouteille à la mer, noyé dans les vagues de la mélancolie d'la vieComme une bouteille à la mer, j'me sens... ad libitumSOSComme une bouteille à la mer, à la recherche d'une ville d'un navireQu'on puisse me repêcher et lire ce qu'il y a dans mon cœurCe qu'il y a en moiComme une bouteille à la mer, j'me sens... Le quotidien me creuse les joues j'essaie d'évacuer son stressDe ma vie j'enlève des jours, à force de me détruire sans cesseQuand les soirées durent plus d'un jour des drogues plus dûres que mes parolesTu veux savoir à quoi on joue ? Et bah demande ça à l'espagnolAujourd'hui j'me suis calmé j'mets juste de l'alcool dans mes verresJ'te jure qu'ils prendraient peur si ils savaient c'que j'ai mis dans mes veinesEn parlant de veine j'sais que j'en ai eu, d'ailleurs si tu veux j'peux détaillerParce-qu'il y en a qui en ont tellement pas qu'ils ont fini par se les taillerMes rhos s'égarent ils rêvent de go et d'gros cigares mais l'portefeuille ne grossit guèreLes portes se ferment trop d'soucis gars mais faut s'y faireSous mes airs j'suis pas si fier, l'être humain, faut pas s'y fierJ'prends les bouteilles pour des gonzesses, à force de les sifflerT'apprécies frère car c'est si vrai, après 6 verres j'suis lessivéJ'écris ces vers pour le CD car ma mixtape c'est mon CVEt j'accélère car quand c'est rouge pour moi c'est vertJ'écris des vers quand je vois rougePas de lumière quand j'broie du noir bah j'bois du rougeAvec l'amour j'crois bien que j'ai coupé les pontsDans la vie j'dois faire des choix et j'suis pas très sûr de faire les bonsOn a tous le cœur qui saigne, on veut que ça s'arrête c'est évidentMais la douleur c'est notre moteur car elle nous montre qu'on est vivantEt si l'amour est un film bah j'dois t'avouer que j'ai pas l'scénar'La vie est une longue course j'veux pas finir comme Ayrton SennaDonc console-moi ou conseille-moi, peut-être qu'on s'aime mais on s'éloigneDemain c'est loin, dans mon cœur c'est l'waï et dans l'alcool c'est noyéDonc j'bois la tasse, peur d'avancer donc j'fais la plancheEt autour de moi y'a qu'des raskass, des requins pas des plongeursLe poids de mes pêchers va tôt ou tard me coûter cherCar dans mon océan y'a que des cadavres à repêcherEt puis j'ai beau chercher j'vois pas de terre à l'horizonT'imagines pas comme j'peux chialer devant l'innocence d'un nourrissonParce que des gamins mangent des pierres pendant que d'autres graillent du caviarParce que sur Terre on s'sent bien seul, alors qu'on est des milliardsHow to Format LyricsType out all lyrics, even repeating song parts like the chorusLyrics should be broken down into individual linesUse section headers above different song parts like [Verse], [Chorus], italics lyric and bold lyric to distinguish between different vocalists in the same song partIf you don’t understand a lyric, use [?]To learn more, check out our transcription guide or visit our transcribers forum Roi Lion - Soprano Lyrics [Paroles de "Roi Lion"][Intro]Eh[Couplet 1]Tu m'as appris à chasser pour qu'le troupeau n'ai jamais faim, hanÀ rugir avec fierté pour qu'l'ennemi reste très loin, hanÀ courir et à marcher, poursuivre le bon cheminÀ dire "je t'aime" sans parler, avec le silence africain[Pré-refrain]Le regard sévère, d'un homme tendreTraverser les hivers pour nous défendreComment ne pas vouloir te ressembler ?[Refrain]Je porte ta crinièrе pour qu'ils s'en souviennentNon, jе ne pleure pasComme toi, beaucoup trop fierLa vipère m'appelleJe défendrais ta gêne mais quoi qu'il advienneNon, je ne pleure pasCar les lions sont immortelsLes lions sont immortels, yeah[Couplet 2]Tu m'as appris à porter mes mauvais choix et mes regrets, hanÀ lire et à voyager pour transmettre aux héritiers, hanÀ chérir et à aimer, ces liens qu'ont souvent ferméLes yeux sur notre immaturité, sans elle, aucun lion n'peut régner, han[Pré-refrain]Le regard sévère, d'un homme tendreTraverser les hivers pour nous défendreComment ne pas vouloir te ressembler ?[Refrain]Je porte ta crinière pour qu'ils s'en souviennentNon, je ne pleure pasComme toi, beaucoup trop fierLa vipère m'appelleJe défendrais ta gêne mais quoi qu'il advienneNon, je ne pleure pasCar les lions sont immortelsLes lions sont immortels, yeah[Outro]Ah, ah, ah, ah, ah, ah, ah, ah, ahAh, ah, ah, ah, ah, ah, ah, ah, ah Roi Lion » Soprano Letras !!! ESCUCHAR ROI LION - SOPRANODisfruta la Musica de Soprano, Canciones en mp3 Soprano, Buena Musica Soprano 2022, Musica, Musica gratis de Soprano. Je fais souvent ce rêve étrange et pénétrant d’une femme inconnue, et que j’aime et qui m’aime, et qui n’est, chaque fois, ni tout à fait la même ni tout à fait une autre, et m’aime et me comprend. … Est-elle brune, blonde ou rousse ? Je l’ignore. Son nom ? Je me souviens qu’il est doux et sonore comme ceux des aimés que la Vie exila. Son regard est pareil au regard des statues, et, pour sa voix, lointaine, et calme, et grave, elle a l’inflexion des voix chères qui se sont tues. 1La voix est le plus vieil instrument jamais pratiqué par l’homme; instrument qui nous plonge fondamentalement au cœur de l’originaire et des modalités archaïques de l’identité. Rien d’étonnant à ce que, sur le plan phylogénétique, les psychologues comme les anthropologues continuent de s’y intéresser. Ainsi, dans une récente recherche [1], une équipe de psychologues de l’Université Duke de Durham États-Unis s’est attachée à démontrer l’hypothèse que les douze degrés chromatiques intervalles de demi-tons de la musique toutes musiques confondues du classique aux musiques orientales, en passant par le jazz, et le rock sont nés des formants [2] du spectre de la voix parlée qui déterminent la compréhension des voyelles distinctes, et d’en conclure que si les musiques du monde jonglent avec ces briques élémentaires » de la musique, c’est parce qu’elles nous parviennent du fonds des âges de la voix. De même si l’on peut envisager avec A. Leroi-Gourhan que les paléanthropiens chantaient certainement », et se figurer que ce qui sous-tendait leurs exercices vocaux [était] plus l’expression de sentiments que la formulation d’idées complexes [3] » A. Leroi-Gourhan, 1964, il faut bien voir que s’il y a eu la possibilité du langage, ce ne fut qu’à partir du moment où la préhistoire a livré des outils, puisque outils et langage sont liés neurologiquement et puisque l’un et l’autre sont indissociables dans la structure sociale de l’humanité [4]. » A. Leroi-Gourhan, 1964 Plusieurs auteurs B. de Boysson-Bardies, C. Trevarthen, P. Hallé reprennent cette hypothèse que la voix ait fait partie de la première performance musicale créée par l’espèce humaine [5] » Trevarthen C., 2005 en faisant le lien, sur le plan ontogénétique, avec la sensibilité précoce des nourrissons à la musicalité de leur langue maternelle principalement à la prosodie [6] . Sensibilité à l’origine des premières discriminations des éléments présents au sein du flot de parole les environnant, et des premières expériences d’échange et de communication. ENTRE CROYANCES POPULAIRES ET ÉSOTÉRISME PÉDAGOGIQUE L’ART DU CHANT2Que ce soit dans un quotidien artistique lors de répétitions, de séances de maquillage, d’attente dans les loges et de fébrilité dans les coulisses juste avant l’entrée en scène comme dans l’intimité du travail entre collègues chanteurs et acteurs, avec les chefs d’orchestres et de chœurs, les metteurs en scènes, avec les professeurs et chefs de chants, ou à travers une expérience de psychanalyste et de psychologue en psychiatrie auprès de patients adolescents et adultes notamment dans de le cadre d’ateliers à médiation, les diverses expériences du corps et de la voix comme médium artistique ou thérapeutique ne cessent de venir interroger ce champ immensément varié et, chaque fois, singulièrement renouvelé, des formes et déformations du vivant, au travers de ses inventions psychiques [7] » P. Fédida, 2004. 3Ainsi, depuis une dizaine d’années, force est de constater l’extraordinaire engouement pour le chant et l’essor formidable de la pratique vocale amateur sous toutes ses formes cours de chant individuel, stages de développement personnel, coaching vocal, académies télévisuelles, floraison extraordinaire de chorales amateurs toujours plus nombreuses, succès populaires de films sur ce sujet etc.. Pourtant dans l’imagerie populaire une croyance reste tenace. Dans ce monde il y aurait deux sortes de voix. Celles ordinaires, certes parfois belles et sonores, mais le plus souvent quelconques, ternes et qui ne portent pas, et celles qui forcent notre admiration par leur timbre et à leur agilité celles des chanteurs professionnels, qui par leur travail initiatique de la vocalise, sous l’œil, ou plutôt l’oreille attentive du maître de musique, n’auraient fait que développer les qualités, notamment de justesse, du bel organe dont ils auraient été doté à la naissance. La voix serait ainsi un don; d’aucuns seraient doués d’une voix juste et gracieuse, d’autres pas, sans espoir de changer ce dont la nature les aurait définitivement dotés. C’est bien évidemment ignorer la dimension essentielle qu’évoque A. Leroi-Gourhan, et qui est évidente pour tout autre instrument la voix est un outil. Il est vrai, comme le souligne C. Fournier, que l’outil vocal nous est livré clé en main à la naissance alors que la pratique d’un instrument débute dans une démarche… de construction de l’outil monter les cordes d’un violon, accorder un piano, tendre l’archet [8] …» C. Fournier, 1997. On peut ainsi comprendre pourquoi développer sa voix ou celle d’un autre puisse être une expérience intime se vivant, s’improvisant même, souvent audelà de tout discernement, et toujours par coups de cœur, et que dans la mesure où l’objectif ultime est de laisser libre cours à la sensibilité de l’individu, à sa créativité, on oublie, ou plutôt, on s’autorise à ignorer l’outil. » Dès lors, le phénomène vocal dans son approche descriptive se confond avec l’impression sensorielle, l’enseignement devient image… et dans la foulée, l’amalgame s’opère entre l’idéal musical et l’idole du disque qui le symbolise [9] » C. Fournier, 1999. 4Dès le début des années 1920, les nombreuses publications consacrées au chant fondent leurs explications du mécanisme vocal, soit sur l’expérience subjective de l’artiste lyrique, soit sur les recherches de l’homme de science. Les auteurs appliquent alors au chant les récentes découvertes de la médecine, de la phonétique et de l’orthophonie, dans l’espoir de révolutionner la connaissance de la technique vocale. À partir des années 40, la plupart des écrits destinés aux chanteurs et aux enseignants proposent des descriptions des aspects physiques du chant, destinées à étayer des préceptes issus de l’expérience des interprètes. Cependant, aujourd’hui encore, dans le milieu professionnel [10], et malgré la désormais large diffusion de publications sur l’anatomie et le fonctionnement vocal, technique vocale et réalité anatomique continuent bien souvent à se jauger de loin, perpétuant cette aura de mystère, voire d’ésotérisme, propre à l’idéal du bel canto, du beau chant. Il est vrai qu’en matière de voix, et en particulier de voix chantée, la notion du beau » vocal est bien difficile à cerner. Même en chant, le terme de bel canto est devenu un mot de passe du 20e siècle qui se manifeste sous la forme de terminologies contradictoires jalonnées de revendications, de possessivités, des plus suspectes. Cela est dû à l’impossibilité de définir le terme au-delà de son acception littérale beau chant [11] » R. Miller, 1986. Lorsque Kant, s’opposant à l’idée platonicienne selon laquelle le Beau, le Vrai et le Bien seraient indissociables, envisage pour sa part que le beau n’est pas un concept transcendant mais un produit de notre imagination, se substitue à l’idée d’une harmonie objective des proportions celle d’une harmonie subjective, l’imagination jouant librement avec la raison pour devenir le sentiment du beau. C’est le philosophe A. Baumgarten au 18e siècle qui forgera à proprement parler la notion d’esthétique en mettant à jour ce qu’aujourd’hui l’on pourrait appeler une dimension cognitive du Beau, en concevant l’esthétique comme une science reliant le Beau, l’Art, et l’expérience sensible, dans une poétique universelle. Aujourd’hui les neurosciences s’intéressent beaucoup à la manière dont la sensibilité, les sentiments, les émotions colorent notre perception du beau. Et en constatant que, lorsque nous observons un tableau une scène ou un visage que nous trouvons beaux, certaines aires du circuit cérébral de la récompense responsable du plaisir et de la dépendance aux drogues s’activent, elles fournissent un nouvel élément aux tenants de la beauté subjective. Ceci rejoint la notion d’esthétique vocale. En effet, comme le souligne le pédagogue R. Miller il est typique de voir les chanteurs se préoccuper surtout de l’effet produit en représentation du résultat esthétique, et n’accorder que peu d’attention aux facteurs physiques et acoustiques de l’émission sonore. Or, toute technique vocale repose sur des postulats définissant le rôle joué par les éléments physiques dans la production du son. Les différentes opinions qui se font jour sont liées non seulement à des préférences d’ordre esthétiques, mais aussi aux principes physiques les mieux appropriés à la production sonore recherchée. » Ainsi, pour R. Miller, l’efficacité phonatoire d’une technique de chant doit se mesurer à la manière dont elle permet de se rapprocher au plus près d’un résultat esthétique prévu, au prix d’un moindre effort. » Et de noter combien la liberté du fonctionnement vocal est en général considérée comme une importante composante du plaisir procuré par un son chanté. » Le plus haut degré de liberté physique constituant sans doute l’un des plus fidèles critères de jugement esthétique de la voix chantée [12]. » R. Miller, 1986 PRINCIPES FONCTIONNELS DE LA PHONATION 5Cependant, ceci se complique si nous envisageons par ailleurs cette vérité pour tout chanteur, ou amateur de chant, qu’en matière de voix chantée, beau n’est pas synonyme de fonctionnel », les arcanes intrapsychiques de l’esthétique brouillant à souhait les pistes de la physiologie, et de l’harmonie vocale idéale. D’autant que cette idée de liberté fonctionnelle » n’est pas aussi évidente qu’il peut y paraître dans le projet de pédagogie systématique » de R. Miller. Car, si les données issues de la physiologie vocale nous montrent que l’efficacité phonatoire repose bien sur l’apparence d’une voix libérée », les mêmes éléments physiologiques nous apprennent aussi que la bonne » phonation est le fruit de la meilleure pondération possible d’un système hypercomplexe fait de résistances, d’antagonismes, et de tensions pneumophonatoires, bref d’un conflit permanent l’ac cord phonorésonantiel. En effet, l’appareil vocal, ou système phonatoire, est conditionné par la mise en synergie de trois éléments fondamentaux. Tout d’abord la soufflerie », constituée d’une part par le réservoir d’air des poumons actionnés par les muscles thoraciques et abdominaux, et d’autre part d’un canal la trachée artère conduisant l’air aux cordes vocales. Ensuite le vibrateur » sur un larynx fermé, les cordes vocales vont fonctionner un peu comme les lèvres lorsque l’on siffle pressées l’une contre l’autre, en soufflant de l’air à travers, l’écartement laisse passer un peu d’air, puis les lèvres se referment. Enfin, il faut envisager les rôles respectifs des résonateurs » pharynx, bouche, fosses nasales… et du système articulateur » composé principalement de la langue, des dents, des lèvres, de la mandibule et du voile du palais. Mises en vibration par une compression sous-glottique de l’air sous l’action de la musculature respiratoire tandis qu’elles sont en adduction et en tension, les cordes vocales, au moment où la résistance glottique est vaincue par la colonne d’air, s’écartent, ce qui permet à l’air de s’écouler à travers la glotte, et réduit ainsi la pression sous-glottique. Les cordes vocales se referment ensuite sous l’influence d’un triple effet d’élasticité propre, de rétro-aspiration mécanique, et de la contrainte due à la pression extérieure qui rétablit la résistance glottique et la pression sous-glottique. Lors de l’extériorisation de la voix, les phénomènes de résonance prennent le relais des forces aérodynamiques jusqu’ici à l’œuvre. Les forces exercées présentes de part et d’autre des cordes vocales, c’est-à-dire les pressions sous et sus-glottiques, doivent se contrebalancer afin d’éviter un travail laryngé excessif et converger vers un équilibre de leur valeur l’ac cord pneumophonique , en acceptant la contrainte » que la pression extérieure fait subir au cordes vocales, ce que R. Husson appelle l’impédance ramenée [13] ». Cette impédance signifiant en électricité résistance qui joue un rôle important dans la couverture du son chanté, est donc essentielle pour la stabilité » et la protection » R. Husson, 1960 du larynx qui vibre ainsi quasiment dans une sensation d’apesanteur. Ainsi, tant qu’une pression sous-glottique est maintenue, un mouvement cyclique d’oscillation des cordes vocales se produit. Le larynx devient alors générateur d’ondes acoustiques, parcourant le conduit vocal et les différentes cavités de résonance, qui deviendront voix au sortir des lèvres. C’est ce que l’on appelle l’excitation glottique du conduit vocal. 6Une voix chantée saine et en sécurité est une voix qui repose sur une harmonisation phonatoire délicate, dans un ensemble musculaire tensionnel et conflictuel complexe. C’est à la condition d’un contrôle différentiel plutôt que d’une uniformisation de leur action commune, ainsi que d’une pondération harmonieuse et souple de cette dynamique musculaire, que pourra naître le fameux vibrato qui s’entend comme une qualité de la voix, signe acoustique essentiel qui guide le chanteur. On le voit c’est donc au prix d’un accordage d’une certaine conflictualité corporelle que l’on pourra alors entendre une voix bien posée, ce terme évoquant une stabilité rassurante, pouvant porter ou projeter j’aurai l’occasion d’y revenir en harmonie. 7Comment alors ne pas penser aux résonances intrapsychiques de cet accordage et de cette harmonisation ? Au traces et impressions sensorielles laissées par ces premiers échanges qui, si originaires qu’ils soient, sont porteurs d’une quête d’harmonie spontanément trouvée chez la mère par l’expérience qui se forme avec elle durant la communication avec son enfant » ? À cet appel à une voix complémentaire en vue d’un accord », d’une complémentarité », et de laquelle naîtra le sentiment de totalité, donc d’unité et le marquage d’une narrativité » pouvant être relancé à l’infini [14] » A. Green. 2005 ? Comment aussi ne pas envisager cette Harmonie, fille dans la légende grecque d’Arès dieu de la guerre, et d’Aphrodite déesse de l’amour née des vagues de la mer, que Guy Rosolato envisage dans la musique comme le déploiement d’»une succession de tensions et de détentes, d’unissons et de divergences des parties qui s’étagent, s’opposent dans les accords, pour ensuite se résoudre en leur plus simple unité… toute la dramatisation des corps séparés et de leur réunion que supporte l’harmonie [15]. »G. Rosolato, 1978 ? 8La voix a largement inspiré les psychanalystes. Et somme toute c’est bien normal, tant le dispositif analytique est fondamentalement le cadre d’une rencontre singulière entre deux êtres parlants dans le réel de leurs corps; singularité reposant notamment sur cette présence-absence » qu’offre la dissimulation de l’analyste au regard de son patient, et qui renforce d’autant plus sa présence en tant que corps parlant lorsqu’il reçoit autant qu’il donne de la voix. Mais de quelle voix parle-t-on ? Celle du patient s’adressant à son analyste ou qu’il peut à certains moments s’entendre prononcer? Ou celle de l’analyste, tranchant parfois son mythique silence censé border deux paroles, deux voix [16] » F. Meyer, 2000? Celle entendue toute proche, jusqu’aux impalpables frémissements annonciateurs de la prise ou retenue de parole ? Ou celle, dans toute l’ampleur de sa résonance, perçue en retour, en écho, après réflexion sur le cadre acoustique du petit cabinet ? 9Si pour S. Freud le Moi originaire est d’abord un Moi corps », la psychanalyse a eu pourtant tendance à avancer l’aspect défensif de l’»agir », au détriment de son aspect moteur intégratif [17]. Et si S. Freud s’est vu souvent reprocher une vision trop biologiste ce n’est pourtant pas le moindre de ses apports et même peut-être le plus fondamental et le plus original que de ne pas envisager de séparation entre le corps et la psyché, et de proposer une théorie de la pulsion [18]. Mais la notion de pulsion, en tant que concept limite de la psychanalyse au point d’articulation énigmatique entre psyché et soma se voit souvent encore remise en question et reste toujours aujourd’hui en discussion. Pourtant la psychanalyse est fondamentalement ancrée dans le langage, et, de fait, dans la phonation. La parole peut ainsi être envisagée comme un acte moteur, un geste phonatoire qui parle, et que de nombreux auteurs G. Rosolato, Castarède, M. Mathieu, Y. Fonagy, M. Poizat… ont articulé au fantasme, en l’inscrivant comme tel dans l’évolution pulsionnelle [19]. En d’autres termes, la voix est beaucoup plus que la voix et nous fait interroger d’autres aspects qui lui sont liés la gymnastique de la bouche qui émet, l’animation du visage qui parle, l’œil qui s’éveille lors de tout dialogue [20]. »A. Green. 2005 10Ce qui frappe parfois à la lecture de ces nombreux essais métapsychologiques sur le phénomène vocal, c’est bien souvent l’ambiguïté avec laquelle ils donnent à représenter cet objet voix, entre les principales données issues du savoir scientifique, et certaines croyances quotidiennes implicites véhiculées dans les représentations profanes de la voix; croyances séduisantes qui infiltrent insidieusement l’interprétation, faisant souvent vaciller une intuition première du lien indéfectible et primaire de la voix avec l’originaire, pour glisser imperceptiblement vers les strates plus secondarisées peut-être plus rassurantes et moins vertigineuses d’une voix soutien de la parole et du mot. En effet, de par le crédit intrapsychique généralement fait à l’appareil perceptif sensoriel, la voix, tant elle accompagne inconsciemment notre quotidien communicationnel, nous paraît être à tous une évidence ». Forts de cette évidence nous pensons facilement que la voix sort », qu’elle se projette », qu’elle peut se perdre » voire se casser », qu’elle monte » ou qu’elle descend », etc. De là à penser, par exemple, cette fameuse perte » ou cassure » de la voix en terme de castration œdipienne cela peut parfois mener à céder trop facilement au psychomorphisme d’une voix à laquelle nous pouvons être tentés d’attacher un nominalisme psychologique trop systématique, voire peut-être à contresens, et basculer imperceptiblement du côté d’une certaine mythologie de la voix, faute d’une lisibilité suffisante de certaines de ses données fonctionnelles. À cet égard il y a bien des choses à dire sur l’imagerie généralement véhiculée autour de la mue. LA MUE, UNE PERTE CASTRATION OU SÉPARATION ? 11Un très bel article de F. Marty sur ce sujet pourra peut-être éclairer notre propos. En effet, si généralement la mue est interprétée en termes de perte » et de cassure » apportant la confirmation définitive de l’impossible fusion avec le corps maternel… signe indéfectible de la castration [21] » F. Marty, 1996, il ne faudrait pas la confondre avec cette autre piste qu’énonce F. Marty quelques lignes plus loin, que l’opération hormonale à l’origine de la mue chez le garçon de façon plus sensible fait qu’il n’est plus cet ange, voix des dieux, il est un garçon en train de devenir… un homme par le bas de sa voix et de son sexe… Cette orientation de l’axe du corps donne à l’enfant le sentiment de la honte d’avoir à porter ces breloques pendantes alors qu’il y a peu il volait dans les airs [22]. »F. Marty, 1996 Le propos n’étant pas ici d’approfondir cette question précise, nous mettrons juste en perspective quelques remarques, en guise d’illustration de nos préoccupations épistémiques. En premier lieu, si l’on fait retour sur l’origine étymologique du mot muer, on s’aperçoit que par sa racine grecque il se charge du sens de changer », se répondre » amoibaios autant que d’ échanger », et par la racine latine meare prend le sens d’ aller », de passer », avec certains élargissements conduisant notamment à migrare – changer de résidence » –, commeare – circuler », permeare – pénétrer » – , d’où perméabilis – qui peut être traversé » –. En second lieu, physiologiquement parlant, la mue n’est en aucun cas une perte vocale mais au contraire un enrichissement, dans la mesure où si le changement bruyant opéré par la mue du garçon participe, certes, du chaos pubertaire, le garçon et l’homme qu’il deviendra n’auront pas perdu cette belle voix de tête, ou mécanisme dit léger [23], puisqu’elle pourra à tout moment être sollicitée à nouveau. À cet égard, il faut nuancer cet avis qu’»avec l’apparition de la mue, cette période [celle de l’indifférenciation vocale fille-garçon] va devenir paradis perdu [n’autorisant pas] de nouvelles capacités, [l’enfant perdant] cette faculté à rejoindre la voix de sa mère [24]. » F. Marty, 1996 De même il faut relativiser cette idée que la mue du garçon est le signe indéfectible de la castration [25]. » F. Marty, 1996 Si l’on remonte à l’histoire du bel canto baroque, la tradition des castrats italiens du 18e siècle nous enseignerait plutôt l’inverse, à savoir que la castration c’est ce qui empêche la mue elle-même. Ajoutons à cela que comme le rappelle M. Poizat, le fait qu’il s’agisse d’un corps d’homme supportant une voix étrangère est secondaire [26]. » M. Poizat, 1998 En effet, les castrats se voyaient systématiquement confiés les grands rôles d’opéra éminemment virils César, Achille, Xerxès…, la hiérarchie des valeurs vocales de l’époque – la voix de castrat sur la plus haute marche – supplantant toute occupation de réalisme dramatique, notamment sexuel [27]. » M. Poizat, 1998 Cela pose ici la question de la voix et de l’identitaire. Car on peut aussi souvent lire que la voix soprano, haute », de tête », angélique », est la voix féminine » par excellence. Or avant la mue, garçon et fille chantant dans le même registre vocal et dans les mêmes bandes de fréquence, sont qualifiés indistinctement de soprano. Ainsi, si, par une certaine lecture, l’on peut à juste titre envisager que la mue cèle l’entrée dans le travail du pubertaire tel que le définit P. Gutton, de la castration, de la culpabilité et de la différenciation identitaire sexuelle, il n’en faut pas pour autant omettre de donner toute sa place sa prévalence peut-être même à un autre registre interprétatif. À savoir qu’avant d’être la voix du féminin, le registre de soprano est originairement la voix de l’infantile, du temps premier de ces expériences très archaïques contemporaines de l’édification du sujet… de ce mécanisme élémentaire, profondément enraciné dans notre être, inséparable de notre chair [28] » M. de M’Uzan, 1972, temps de la prédominance du narcissisme, de la honte et de l’édification du tonus identitaire de base » permettant au sujet de se vivre dans sa complétude et dans son unicité [29]. » M. de M’uzan, 2005 Si le changement de registre, pour bruyant qu’il soit lors de la mue, peut renvoyer à l’idée de la perte, ce n’est donc peut-être pas tant dans le registre de la perte castratrice que dans celui de la perte liée à la séparation originaire. Suivant ce fil interprétatif on pourrait alors entendre combien la mobilisation de la voix de tête chez l’homme adulte [30] peut se charger de la réminiscence, de la reviviscence, de ces traces profondes et cachées issues des temps originaires révolus ayant trait aux modalités archaïques de l’identité, c’est-à-dire au destin du narcissisme et du deuil originaire. La perte de la voix d’ange correspondrait alors bien à ce falto de àngel chute de l’ange que la langue espagnole nomme aussi si joliment desangelado » désignant le fait d’être tristounet [31] ». 12Bien que plus discrète et moins bruyante, la mue chez la fille mériterait une réflexion approfondie. Notons, simplement ici le phénomène actuel d’homogénéisation des tessitures vocales entre filles et garçons, particulièrement questionnant. Tout professionnel de la voix travaillant avec des adolescents sait combien est problématique cette mue culturelle » conduisant les chanteuses de variété et à fortiori leurs jeunes fans à n’utiliser presque qu’exclusivement le registre de la voix de poitrine dans une bande de fréquence commune à la voix masculine, en oubliant comme les jeunes hommes et souvent peut-être plus jusqu’à la possibilité même de l’utilisation du registre de tête pourtant physiologiquement le plus naturel pour elles au prix souvent de forçages vocaux et de dysphonies préoccupantes. LA VOIX DE L’ANIMIQUE13Sans une certaine prise en compte de la nature physiologique de la phonation, le risque est alors de traiter la voix non plus comme un objet scientifique pouvant avoir un sens, mais comme un mythe » tel que R. Barthes a pu le définir [32]. Et la mythologie de la voix est tenace, notamment celle autour du don, déjà évoquée, ou du hasard; les divi et divas aimant souvent à dire combien la découverte de leur voix et la détermination, de leur carrière ne relèvent d’aucune logique si ce n’est celle, irrationnelle et mystérieuse de l’heureuse alchimie du don et du hasard. L’heureux hasard s’étant ainsi manifesté, on pénètre alors dans un monde enchanté. Une bonne fée a donné un coup de baguette magique et c’est l’aventure de Cendrillon… Mais le chanteur sait que Cendrillon risque un jour de retrouver ses sabots [le maintenant], en permanence, sous la menace de perdre sa voix [33]. » J. Gourret, 1975 Ainsi, le chanteur peut-il se lever chaque matin en parlant de sa voix comme d’une autre personne qu’est ce qu’elle va encore me faire aujourd’hui ? . C’est que le champ de la croyance animiste est puissamment attaché à l’objet voix dans la représentation populaire comme chez les professionnels de la voix; animisme participant d’un certain ésotérisme encore largement présent dans le discours commun autant que dans les cours de chant; animisme nous conduisant aux limites délicates de la démarche épistémologique avancée ici et que l’on pourrait, avec l’aide de P. Fédida, résumer ainsi d’un point de vue métapsychologique il ne faut pas perdre de vue que toute biologie populaire, dérivée de l’animisme, compte au regard des représentations mises en œuvre » par chacun, et que ce qui se désigne comme biologie populaire est indépendant de l’état culturel d’un savoir scientifique [34]. » P. Fédida, 2004 Mais dans le même temps, et dans un souci méthodologique, il ne nous faut pas perdre de vue non plus que si c’est en tirant les meilleures ressources des croyances animistes comme véritables théories du vivant, que Freud a su jeter les bases nouvelles d’une science métapsychologique, c’est à la condition d’une désanthropomorphisation de l’animisme et de la restitution, à celui-ci, de son pouvoir théorique, que la méthode analogico-fantasmatique est valable [35]. » P. Fédida, 2004. 14Nombreux sont les auteurs pour qui la moindre des suppositions qu’implique le corps …. n’est que le reflet de son organisme [36] » J. Lacan. Mais si nous sommes prêts à admettre que le biologique [se situe] avant l’humain », ne faudrait-il pas reconnaître également que le biologique envahissant, comme modèle, le psychisme humain est ce qu’il faut décrire [37]. » J. Laplanche, 1987 ? Voici donc à quel niveau d’articulation se situe le défi épistémologique. Par le recours au réel » de la phonation, il devient dès lors nécessaire de s’installer aux marges de pratiques et de théories spécifiques, en restant sensible aux résonances analogiques de telle terminologie ou de telle expérience sensorielle pouvant d’un point de vue métapsychologique se révéler tantôt opérationnelle tantôt métaphorique, sans pour autant croire à l’illusion de l’interdisciplinarité et aux échanges spécieux de champs disciplinaires restant hétérogènes. Éviter le piège du psychocentrisme » décrit par S. Férenczi dans Thalassa et faire le pari d’»écouter et d’interpréter avec des formes analogiques animales aussi éloignées que possible des représentations conscientes du psychisme humain [38]. » P. Fédida, tel est le tracé d’une efficacité symbolique qu’il faut pouvoir mettre en œuvre. 15Dans cette perspective, une proposition épistémique est intéressante. Comme nous le rappelle A. Green, alors que nous sommes habitués à commencer par poser les bonnes questions pour trouver les réponses qui leur correspondent, l’expérience psychanalytique nous oblige à procéder autrement. Soit à devoir comprendre que nous avons d’abord affaire non à des énigmes mais à des réponses avant toute question. Ces réponses sont des solutions à des questions que nous ne sommes pas capables de concevoir et dont la formulation échappe à notre entendement [39]. » A. Green, 1985. Dans le sens de cette vision épistémique non pas de tuer chacune des disciplines, mais, au contraire, de les rendre nourricières [40] » E. Morin, 2002, quelles réponses pourraient ainsi nous apporter un certain regard sur la physiologie de la phonation ? Pour amorcer une réponse, il faut tenter un autre point de vue sur ces éléments-réponses physiologiques, sans les ignorer, mais en s’appuyant d’une autre façon sur ce réel issu d’»une science où nous n’avons pu progresser qu’en découpant ce qui se présentait globalement à notre prise, mais pour le retrouver entier à un moment ou à un autre au détour du chemin [41]. » A. Green, 2005 Plus avant, une description phoniatrique classique des différentes étapes du fonctionnement » de la mécanique vocale a été proposée. Mais ces étapes, ou systèmes, sont dépendants les uns des autres, si bien que se livrer à l’examen de l’un d’entre eux pris isolément interdit momentanément toute autre considération importante [42]. » R. Miller, 1986 Dans ce cas, pourquoi ne pas partir d’une mise en forme différente des ces éléments, sous-tendue par une réflexion non pas seulement sur les aspects fonctionnels de ces étapes successives, mais aussi sur certaines qualités transversales à ces systèmes ? UN OBJET HYPERCOMPLEXE16La voix possède certains des principes qu’E. Morin associe à sa conception des systèmes complexes [43], et plus particulièrement deux d’entres eux le principe dialogique et le principe de récursion. Selon le principe dialogique les termes d’une relation complémentaire et antagoniste peuvent être rassemblés, permettant ainsi d’unir deux notions antagonistes, mais indissociables et indispensables pour comprendre une même réalité. C’est une des caractéristiques de la mécanique vocale que de fonctionner par mise en tension d’antagonismes musculaires principalement à l’origine de sensations confuses voire paradoxales sur lesquelles je reviendrai plus loin. Le principe de récursion, renvoie pour sa part à l’idée de rétroaction feed-back, et plus encore de boucle génératrice dans laquelle les produits et les effets sont eux-mêmes producteurs et causes de ce qui les produit. Ce principe est doublement en jeu dans la phonation. D’une part dans le travail de l’accordage pneumo-phonique précédemment évoqué, mais aussi, et de façon tout aussi fondamentale, dans ce que l’on nomme le rétro-contrôle auditif, ou feed-back, seul moyen d’auto-contrôler sa phonation. Dans les conditions de communication ordinaire ce rétro-contrôle semble avoir pour fonction essentielle d’assurer le contrôle de la hauteur qui constitue l’intonation de la phrase, ce qui explique que les sujets atteints de surdité totale après acquisition du langage perdent très vite la maîtrise de leur intonation [44]. » N. Scotto Di Carlo, 1993 Il s’effectue grâce à deux vécus sensoriels différents les conductions solidiennes et aériennes, et l’ensemble des sensibilités internes phonatoires [45] N. Scotto Di Carlo. La voix solidienne est celle perçue par le moyen de la conduction osseuse interne. Par opposition, les voix aériennes sont celles d’une part du chemin court de l’onde sonore allant au plus proche de la bouche à l’oreille boucle audio-phonatoire courte, et d’autre part le chemin long du son faisant retour à l’oreille, par conduction aérienne, après avoir rencontré le cadre environnant et subi l’influence de son degré de réflexion et de diffusion boucle audio-phonatoire longue. Les sensibilités internes phonatoires quant à elles renvoient à l’ensemble des impressions subjectives essentiellement de nature pallesthésique et kinesthésique que l’on peut ressentir de façon plus exacerbée en chantant, et à l’origine de certaines illusions résonantielles de poitrine et de tête. 17Ce dernier principe de réflexivité et de boucle est particulièrement intéressant d’un point de vue psycho-dynamique. Dans le prolongement des travaux de F. Tustin, d’E. Bick et de D. Meltzer, G. Haag a particulièrement travaillé cette question à travers ce qu’elle décrit comme l’exercice des boucles de retours ». Faisant le lien avec les diverses observations de mise en gestes ou images motrices arrondissement du bras, mouvements lancés [46] … et sonores, comme ce qui vient traduire quelque chose des retrouvailles avec ce fond de rebondissement » inhérent aux va-et-vient relationnels entre le bébé et sa mère, entre le self en émergence et l’objet [47] », G. Haag rappelle combien pour D. Meltzer, dans ce théâtre de la bouche,… s’exerce non seulement des jonctions mains-bouche mais les vocalisations qu’il considère comme un exercice fantasmatique… exercice sonore de ces boucles de retours [48]. » G. Haag, 2004 18Outre ces deux premières qualités fondamentales, on peut en distinguer encore trois particulièrement évocatrices. 19La voix de l’énigme et du paradoxal le paradigme de la projection vocale Si, par sa théorisation de la portée intrapsychique des s ignifiants énigmatiques, J. Laplanche nous a éclairé sur les enjeux de l’énigme comme ressort de la séduction originaire, il faut bien voir que, comme l’écrit si justement Castarède, la voix est énigme pour la pensée qui vient toujours trop tard pour la saisir et qu’en outre elle menace… énigme pour le corps qui ne sait s’il la crée, la reçoit ou s’en délivre [49]. » Castarède, 1987 20Le premier des paradoxes de la voix est qu’elle a ceci de remarquable qu’aucun des organes concernés dans sa description n’a pour fonction première la phonation, et qu’ils sont tous prioritairement assujettis à une tâche biologiquement vitale. Le larynx, situé au carrefour des voies aériennes et digestives, sert de sphincter aux voies respiratoires. Le conduit pharyngobucconasal, quant à lui est requis en premier lieu pour la mastication mais aussi pour la respiration. Et la soufflerie, à travers les échanges gazeux qu’elle permet, a pour fonction première l’oxygénation du sang. Avec le phoniatre B. Amy de la Bretèque, il paraît ainsi aisé de mesurer combien la voix de l’homme chantant ou parlant résulte d’abord de la manière dont elle prend place dans son intimité. Le corps vocal est souvent envisagé comme le véhicule de la voix, l’objet qui permet de la faire sortir au-devant de lui, d’en remplir l’espace extérieur, de toucher autrui. On le sollicite dans sa tonicité, son redressement, son expression… Il est trop rarement considéré comme le réceptacle primordial où le souffle s’unit à la vibration intérieure », souffle directement lié à la façon dont la vie est appréhendée [50]. » B. Amy de la Bretèque, 1997 Tout chanteur ou pédagogue de la voix peut vivre au quotidien que maîtriser son souffle, en modifier le rythme pour produire des sons est un défi vis-à-vis de l’asservissement du corps aux impératifs biologiques », et combien la charge émotionnelle d’une telle quête est forte [51] » B. Amy de la Bretèque, 2000. Parmi les nombreuses sensations paradoxales que l’on peut éprouver, plusieurs pourraient illustrer notre propos. Mais, outre le fait que l’efficacité inspiratoire soit passive par dépressurisation, que le corps se dilate alors qu’il se vide de son air [52], ou encore l’idée bien connue des professeurs de chant du mouvement contraire [53], le paradoxe que tout effort pour pousser la voix au dehors, la projeter, est vain, mérite plus que tout autre un développement. En Italie, un célèbre adage nous dit que la voce non si spinge, si tira » la voix ne se pousse pas, elle se tire. Le terme de projection » très utilisé en chant est pourtant des plus ambigus. En effet, en technique vocale, l’injonction de projeter la voix tire son origine de la volonté naturelle de vouloir sortir sa voix, qu’elle porte, et de la faire entendre au plus grand nombre. Le problème acoustique qui se pose au chanteur est que l’on ne peut envoyer le son ni dans un endroit ni dans un autre, que si la voix monte, ce n’est pas physiquement mais acoustiquement [54], de même qu’on ne peut projeter à droite ou à gauche la sonorité d’un violon [55]. » J. Tarneaud, 1940 On ne peut parler que d’émergence du son, de laquelle s’ensuit un rayonnement [56] dans l’acoustique, qui vient se réfléchir sur le cadre environnant. Le chanteur se trouve ainsi en permanence confronté à cette injonction, si énigmatique sur le plan sensoriel et représentationnel, d’imaginer placer le son au niveau du point de résonance idéal – soulevé [en face de soi] – et de l’aspirer ensuite. » J. Bonnardot, 2004 [57] Les maîtres du bel canto italien, pour imager cela, parlent alors soit de bere » boire ou d’»ingolare la voce » gober la voix. À partir d’une autre sensation, visant à un résultat phonatoire identique, les mêmes pédagogues parlent aussi de vomitare la voce» vomir la voix. 21Que peut nous enseigner cette description ? Peut-être cette même paradoxalité que P. Fédida associe aux polarités spatiales de référence du jeu [58] » P. Fédida, 1978, à savoir le haut et le bas, l’avant et l’arrière, le proche et le lointain, le dedans et le dehors, qu’il faut penser comme autant d’»effectuations métaphoriques temporelles de l’espace… la forme gestalt d’un jeu [ne valant] que sous le rapport à l’acte gestuel… formant, déformant, transformant [59]. » P. Fédida, 1978 Jeu qui appartient au registre présymbolique, à ce matériau inconnu qui fait les représentations-choses, à michemin des choses et des représentations [60] » Donnet, 1991, et par lequel les premières formes architecturales de la symbolisation » G. Haag pourront venir s’étayer sur ces préformes corporelles, dérivées des organes des sens, ayant valeur de représentation imaginaire des limites, des enveloppes du moi, et qui se seront externalisées dans le cadre institué [61]. » Donnet, 1991 La paradoxalité propre au geste vocal, et au terme de projection du son, dans ses liens premiers avec le vécu du jeu de la bobine [62], ne résonnerait-elle pas alors avec celle du jeté au loin [63] » en tant qu’»acte physique qui se signifie du pouvoir de s’énoncer dans cette proposition phonématique le donnant à entendre comme jouer de jouir… l’orgasme du moi qu’évoque Winnicott [étant peut-être] justement tout à fait connotatif de cette amplitude physique de l’acte du son [64] » P. Fédida, 1978? Si oui, le paradoxal se proposera alors non plus par sa face pathogène, modalité de la déliaison et du clivage, mais comme un mode du lien liant du legato et symbole de l’union impensable et ainsi acceptable de l’autre…»; paradoxal au service d’un processus de maturation allant dans le sens de la continuité psychique, dans celui d’un adoucissement qui rend les ruptures plus acceptables… [sans bloquer] l’élaboration harmonieuse des situations de rupture et de deuil [65] » R. Roussillon, 1991; paradoxal enfin qui, vu sous l’angle des mécanismes premiers…, nous conduit directement sur le terrain de la biologie – un terrain ou certes nous hésitons toujours à nous hasarder, quoique S. Freud nous ait clairement montré le chemin [66]. » M. De M’Uzan,1977 22On le voit, la projection vocale nous fait réfléchir à la question de la limite floue entre le dedans et le dehors, de même que l’auto-contrôle de la voix par les boucles audiophonatoires nous renvoyait précédemment à la problématique du proche et du lointain. Cette pulsation » R. Roussillon qui s’établit entre l’intérieur et l’extérieur, forme l’essence même du processus transitionnel et de l’espace potentiel tels que théorisés par Winnicott. Et, si l’on peut envisager que grâce à la perception, la matière psychique prend forme, [que] grâce à l’hallucination la matière perceptive prend vie, [et que] grâce à la motricité elle deviendra transformable », on pourra alors aussi appréhender la projection vocale dans ses résonances avec l’expérience de cette externalisation originaire qui cherche au dehors l’objet dans lequel la matière psychique va pouvoir prendre vie et forme, se décondenser et se déployer ainsi, se transformer, se transfigurer, [et butant] sur l’altérité de l’objet ou de l’espace dans lequel elle se transfère, se réintérioriser alors et se replier dans l’espace interne [67]. » R. Roussillon, 1999 23Enfin, la projection ne serait pas sans convoquer sur la scène intrapsychique l’origine mythique du jugement d’attribution… confiant au bon et au mauvais, à l’utile et au nuisible, la fonction de constituer le rapport d’un dedans et d’un dehors, d’un intérieur à un extérieur, [par lequel] il s’agit… d’introduire ou d’exclure… de manger ou de vomir [68] » P. Fédida, 1978 ingolare la voce ou vomitare la voce. Mais si tout cela paraît très clair dans le mythe corporel qui assigne une origine à l’affirmation et à la négation [69] » P. Fédida, 1978, il n’en faudra pas perdre de vue la distinction entre introjection et incorporation. En effet, le passage décisif de l’incorporation à l’introjection est une problématique que les professeurs de chant rencontrent souvent, et sur laquelle butent nombre d’apprentis chanteurs; apprentis chanteurs, qu’avec M. Torok, l’on pourrait qualifier de cryptophores », tant sont prégnantes certaines traces laissées par certaines expériences originaires d’un vide de la bouche appelant en vain, pour se remplir, des paroles introjectives [70]. » M. Torok, 1987 Bere la voce renvoyant dès lors à ce caveau secret » au cœur duquel s’est niché le deuil indicible »; cette crypte » couvrant » la honte attachée à ce secret inavouable », introjecter redevient mettre en bouche, avaler, manger, incorporer; les mots de la bouche ne venant pas combler le vide du sujet… l’objet honni à son tour sera fécalisé, transformé en vrai excrément [71]. » M. Torok, 1987. On pourra alors comprendre le désarroi, et l’impasse pédagogique dans laquelle les professeurs de chant se trouvent souvent. Car, cherchant la meilleure émergence possible de la gerbe harmonique idéale, de la meilleur sensation aperto-coperto ouvert-couvert, avec forces invocations d’images et de sensations telles que sentir une cathédrale en bouche, une grotte…, le maître de chant convoque inévitablement la problématique si énigmatique en chant du dedans et du dehors; problématique qui renvoie l’apprenti chanteur à ce travail intrapsychique du passage de l’incorporation à l’introjection sans qu’il puisse éviter cette étape commune à tous c’est à chier, j’ai une voix de merde ». 24Enfin, il est intéressant d’évoquer succinctement les observations et réflexions menées par l’équipe de recherche de S. Breton [72] à propos des traditions rituelles et artistiques de certaines sociétés de la Nouvelle Guinée, réflexions qui apporteront un éclairage supplémentaire sur cette topologie si énigmatique de la projection vocale. En effet, pour les populations du Golfe de Papouasie et Bassin du fleuve Sepik, de nombreuses manipulations rituelles et fabrications d’instruments le Rhombe [73] notamment renvoient à autant de tentatives de maîtrise, d’harmonieux dosage, d’une donnée fondamentale pour ces cultures qui est que le corps humain est perçu comme masculin autant que féminin [74], et que concernant la question sociale de la hiérarchie entre ce masculin et ce féminin, la supériorité est donnée à l’englobement ». L’homme est d’abord enveloppé par le femme; il est un contenu. Il lui faut s’émanciper. [Mais dans le même temps] être capable de porter l’autre en soi est pour lui une servitude, une limitation stérile… une négation du fondement même de la cosmologie de ces sociétés… qui voit dans la reproduction des corps et des formes sociales une tâche absolue. Tout l’effort… consiste donc… à révéler, grâce aux rites et par des moyens plastiques, … qu’être contenant utérin est une capacité sociale éminente de la masculinité [75]. » S. Breton, 2006 Différents systèmes visant à mettre en scène la transformation du contenu en contenant, à métamorphoser symboliquement le masculin en réceptacle utérin », sont mis en œuvre selon les régions. À titre d’exemple, dans la région du Bassin du fleuve Sepik l’idée topologique est que le corps masculin est constitué de protubérances, de crochets et de tubes, comme s’il aspirait à percer son enveloppe, à refuser son confinement, mais en même temps toute saillie phallique tend à être ravalée les crochets se referment les uns sur les autres et les tubes forment une boucle, de sorte que le corps semble soumis à deux forces contraires, centrifuge et centripète. Cela revient à produire un contenu phallique doué d’une capacité utérine [76]. » S. Breton, 2006 Ainsi trouve-t-on par exemple chez diverses population de la région du bas Sepik les Bun, les Angoran ou les Biwat, des statuettes représentant un corps masculin fonctionnant de façon androgyne en circuit fermé, et chez lesquelles le pénis se transforme et se confond avec une trompe; l’organe phallique, de pénétrant, devient organe d’absorption. Ce gommage de la distinction topologique, opéré par ce raccordement de boucles tubulaires, entre ce qui sort et ce qui rentre, S. Breton le rapproche, pour ces cultures, de la célèbre figure de Klein [77], dont la singulière et paradoxale topologie fait hésiter sans relâche entre contenu et contenant, entre pénis et vagin, entre bouche et anus, entre homme et femme, tant l’homme dans ces populations de Nouvelle Guinée, soucieux de son infécondité autant que menacé dans sa chair, s’il cherche à vomir la femme en lui, ne cesse pourtant jamais de vouloir secrètement l’imiter, de reprendre à son profit sa capacité à porter l’autre en soi [78]. » S. Breton, 2006 25Ces divers éclairages sont particulièrement intéressants quant à cette notion de projection qui peut être pensée comme paradigmatique des correspondances psychodynamiques émergeant lorsque l’on fait, comme S. Freud [79], le pari de rendre compte de modèles psychiques en regard de modèles physiques ou physiologiques. Et, à bien des égards l’on pourrait envisager que poussant plus loin l’idée de P. Fédida, il n’y a pas ici métaphore, à savoir création de sens, mais analogie, transfert direct d’un registre à l’autre… ce sont les mêmes mots qui sont utilisés, les même mécanismes… invoqués. Comme si… le corps se muait en psyché et la psyché en corps [80]. » Pontalis, 1977 26 VOIX DE L’ANALOGIQUE 27Ceci nous conduit tout naturellement à une deuxième qualité de la phonation son essence éminemment analogique. En effet, d’un point de vu strictement physiologique, la complexité du fonctionnement phonatoire peut être décrite selon les trois propriétés inhérentes à l’expérience sensorielle des échanges analogiques tels que Stern les décrit à propos de la perception amodale » du nourrisson et des possibilités intrapsychiques de transfert intermodal. » Stern, 1989 S’appuyant, sur les nombreux travaux actuels tentant d’appréhender le vécu du nourrisson face aux incessantes expériences subjectives sensori-motrices, d’affectivité, d’états de conscience et d’états internes de motivation auxquelles il est soumis, Stern envisage le monde expérientiel précoce du nourrisson comme unifié et globalisé. Faisant fondamentalement l’expérience d’une unité perceptive par laquelle il percevrait principalement les qualités amodales provenant de n’importe quelle forme de comportements humains expressifs, le nourrisson aurait cette prédisposition première à la combinaison d’expériences issues de champs aussi bien sensoriels et moteurs, que perceptifs et affectifs. Mettant à part les affects catégoriels traditionnellement envisagés colère, joie, tristesse…, Stern propose de distinguer spécifiquement un domaine d’affectivité les affects de vitalité ». Cherchant à mettre en évidence le rôle prépondérant de la qualité, de la tonalité, ressentie lors de tout changement, les affects de vitalité seraient ces caractères dynamiques, cinétiques des émotions, qui distinguent l’animé de l’inanimé. Ils correspondent aux changements momentanés des états émotionnels dus aux processus organiques inhérents à la vie [81]. » Stern, 1985 Développant l’idée qu’au-delà de l’expérience du nourrisson, ces caractères sont virtuellement présents dans n’importe lequel de nos comportements, Stern propose alors qu’au sein de l’échange interpersonnel un accordage » puisse naître au détour d’un frayage transmodal », transsensoriel » impliquant la transmutation de trois propriétés propres à toute modalité de perception d’intensité, temporelle et de forme. Ceci correspond en tous points aux trois principaux paramètres intrinsèquement liés à la définition physique et acoustique de la voix. L’intensité tout d’abord. Celle-ci se décrit classiquement pour la voix en rapport avec la mesure des décibels émis. Mais, nous l’avons vu, cette notion d’intensité n’est pas sans renvoyer à la dimension tensionnelle, et conflictuelle, propre à la mécanique phonatoire. Deuxième paramètre, la fréquence. La hauteur si ambiguë d’un son est le résultat d’un nombre un rythme d’oscillation produite par un objet vibrant les branches d’un diapason, les cordes ou anches d’un instrument, les cordes vocales pendant une unité de temps donnée mesurée en Hertz. Si, comme le propose Stern, le niveau d’intensité et le rythme paraissent bien être les caractères perceptifs que le nourrisson est le plus capable de représenter d’une façon modale, et ce, dès la période la plus précoce du développement [82] » Stern, 1985, il faut bien voir que tout aussi fondamentalement le socle de la phonation réside dans l’harmonieuse interaction de ces deux paramètres d’intensité et de temps fréquence; la hauteur d’un son étant, pour l’essentiel, dépendant du subtil aménagement des pressions sous et sus-glottiques et de la tension auxquelles les cordes vocales sont soumises. Enfin, dernier paramètre le timbre, qui résulte de la transformation et du modelage du son laryngé par les cavités de résonance [83] » G. Cornut, 1983, en somme d’une mise en forme. En effet, la belle mécanique pneumo-phonatoire ne serait rien sans cavités de résonance à l’origine de ce que l’on appelle l’accord phonorésonantiel, se développant dans l’espace sus-glottique. Cet étage correspond aux cavités et reliefs situés au dessus des cordes vocales. Tout au long du conduit pharyngo-buccal l’onde acoustique émise au niveau de la glotte va se modifier et s’amplifier pour devenir le timbre. Cette amplification par les cavités de résonance supra-glottiques, détermine des zones de renforcement des harmoniques [84] zones appelées »formants ». Ce qu’il est important de retenir ici c’est que la dimension et la forme de ces cavités de résonance [85] influent tout particulièrement sur la qualité du son émis, et par là sur le spectre » de la voix représenté par la richesse en harmoniques. 28Outre ce constat des propriétés communes au geste vocal et à l’accordage tel que le décrit Stern, ces questions de l’analogique, et par là de la temporalité, de l’intensité et de la forme ne sont pas sans évoquer nombre de réflexions plus métapsychologiques. Sans les développer, et outre la question du temps renvoyant bien évidemment à celle bien complexe de la temporalité psychique, comment ne pas évoquer le succès de cette réflexion proposée par A. Green à propos de l’affect la nature profonde de l’affect n’est-elle pas d’être un événement psychique lié à un mouvement en attente d’une forme ? [86] » A. Green, 1985 Comment aussi ne pas penser aux travaux de J. Kestemberg autour des notions de flux de tension » et flux de forme » ? Comment encore ne pas s’associer aux réflexions de P. Fédida et R. Roussillon autour du concept d’ objeu », et de médium malléable », pouvant se prêter…, par leur absence de forme, à une mise en forme non fixe et non fixée » au service du déploiement aussi bien de ce qui a commencé à prendre forme dans la relation à l’objet, que de ce qui n’a pu se figurer et commencer à se représenter dans ce rapport premier [87] » R. Roussillon, 1999? Comment enfin ne pas laisser résonner ici, dans les multiples expériences de l’informe telles qu’ont pu les décrire et les analyser M. de M’Uzan, S. Le Poulichet [88] et P. Attigui [89] tout ce qui renvoie à la question des processus intrapsychiques sous-jacents à des vacillements identitaires », autant qu’à la question de l’ étrangeté » ? VOIX DE L’INQUIÉTANTE ÉTRANGETÉ29Nous avons tous eu l’occasion d’entendre notre voix enregistrée. Et généralement c’est une expérience qui est loin de nous enthousiasmer ! C’est que cette écoute nous place en face de la réalité extérieure de notre voix telle que la perçoit notre entourage. À quel déplaisir, à quel sentiment d’étrangeté n’avons-nous pas été tous confrontés lors de cette écoute toujours saisissante ? Cette épreuve est le résultat de la confusion auditive dans laquelle nous plonge le mélange des trois circuits audio-phonatoires précédemment décrits. En effet, entre l’audition interne de la voix solidienne la plus privée et intime, et l’écoute rétroactive de la réverbération acoustique la plus distante de soi, les déformations perceptives sont importantes. Spontanément, l’écoute se fait par la voix solidienne filtrant et privilégiant les basses fréquences. L’écoute longue se fait à posteriori et demande l’effort d’un autre filtrage volontaire pour se rendre disponible tant à l’écho de sa voix réfléchie, qu’à l’épreuve du réel phonatoire. La perception intime que nous avons de notre voix, et par là de notre identité vocale, n’est jamais celle que socialement nous donnons pourtant à entendre à notre insu. L’épreuve du spectre harmonique réel est toujours difficile à surmonter, et ne va pas, au sein du spectre d’identité, sans déstabiliser plus ou moins la place mouvante de cette zone d’individuation flottante dont parle M. de M’Uzan, et sans remettre en question les lieux et les quantités où s’investit la libido narcissique, à partir du Moi le plus étroit jusqu’à l’image d’autrui dans sa pleine vérité [90]. » M. de M’Uzan, 1994 Que ce soit par les exigences d’écoute qu’impose l’auto-contrôle vocal, ou les multiples occasions de travail critique à partir d’enregistrements, cette épreuve d’altération transitoire du sentiment d’identité, et bien connue des chanteurs. Le risque parfois est alors de s’abîmer un peu trop dans la contemplation de cette voix si vite personnifiée qui renvoie à la toute puissance de la pensée, à cette antique conception du monde de l’animisme… caractérisé… par la surestimation narcissique des processus psychiques propres… l’attribution de vertus magiques soigneusement hiérarchisées à des personnes et à des choses étrangères [91]. » S. Freud, 1919 On le voit, le travail phonatoire force plus ou moins à la rencontre d’une nouvelle voix qui, pour familière qu’elle ait été jusque-là, peut soudainement devenir ce double étrange, doté de ce statut singulier qui appartient bien au sujet, comme rien d’autre ne le peut d’avantage, et en même temps [qui] fait partie du monde extérieur, puisque le moi du sujet s’y est d’une certaine manière objectivé [92]. » M. de M’Uzan, 1994 Déstabilisant l’illusion rassurante procurée par ce familier vocal d’aujourd’hui, surgit alors un double vocal personnifiant dès lors le retour de cet antiquement familier d’autrefois », ce chez-soi das Heimische », l’entrée de l’antique terre natale Heimat du petit homme, du lieu dans lequel chacun à séjourné une fois et d’abord [93]. » S. Freud, 1919, éveillant en nous le sentiment de l’inquiétante étrangeté. PAR OÙ COMMENCE LA VOIX ? 30Nous venons de voir combien la voix, malgré la familiarité que nous entretenons avec elle, est un objet fondamentalement analogique, à l’origine énigmatique et paradoxale, source d’ambiguïté, voire d’inquiétante étrangeté. Dans le prolongement des dernières perspectives de P. Fédida [94], on pourrait, en guise de conclusion, laisser ouverte cette question par où commence la voix humaine ? Rappelant à quel point l’enfant nous apprend comment la sexualité se forme par défaut de l’objet absent » P. Fédida, prolongeant les réflexions de G. Bataille, propose d’envisager que le corps humain a l’étrange particularité de ne commencer nulle part… tandis que chacun des organes semble se concevoir sexuellement comme venant à la place d’un organe absent [95]. » P. Fédida, 2000 S. Freud avait déjà reconnu cette notion d’»équivalence », notamment à propos de l’utilisation de la bouche comme organe sexuel [96] » S. Freud, 1905. Dans cette perspective, la bouche, le processus phonatoire toute entier, seraient ainsi le véritable espace nulle part du rêve et l’organe imparfait de la vision du sexuel [97]. » P. Fédida, 2000 31Se référant au mouvement originaire où l’étayage de la pulsion sur la fonction physiologique [98] opère comme une subversion libidinale », C. Dejours à particulièrement bien décrit comment pour se libérer d’une fonction physiologique, l’organe est un intermédiaire nécessaire… la subversion de la fonction par la pulsion passant par l’organe [99]. » C. Dejours, 2001 De même, entre appui les maîtres italiens du chant parlant d’appogio et prise de distance notamment par une certaine écoute comme nous l’avons vu, la voix paraît bien rappeler ces mêmes temps appui-distance de l’étayage et son rapport originaire aux deux polarités, Éros et Thanatos, de la pulsion. Et si l’on songe plus particulièrement à ces deux formes de la pulsion d’autoconservation que D. Cupa propose de distinguer comme pulsion de tendresse » et pulsion de cruauté [100] » D. Cupa, 2007, nous pourrions alors peut-être entendre d’une autre oreille cette Sérénade de P. Verlaine 32 Comme la voix d’un mort qui chanterait Du fond de sa fosse, Maîtresse, entends monter vers ton retrait Ma voix aigre et fausse, Puis je louerai beaucoup, comme il convient, Cette chair bénie Dont le parfum opulent me revient Les nuits d’insomnie. Ouvre ton âme et ton oreille au son De ma mandoline Pour toi j’ai fait, pour toi, cette chanson Cruelle et câline. » Sérénade in Poèmes Saturniens, P. Verlaine 33Reviviscence des temps primordiaux durant lesquels, dans l’échange mère-nourrisson, se sont construites ces zones de sensorialité [101] » D. Cupa, 2007 liées à la pulsion d’autoconservation, la sensation phonatoire ne nous conduirait-elle pas à la source de cette image entité unique et indissociable » mettant en scène la dualité originaire zone sensorielle-objet [excité autant que] cause de l’excitation [102] » P. Aulagnier, 1975? Zone-objet complémentaire » P. Aulagnier, 1975 nous conduisant sur les traces de ces sensations dont le dénominateur commun paraît être le plaisir esthésique [103] associé à un premier affect d’existence, un affect d’être, qui se transforme en plaisir d’être-avec [104]. » D. Cupa, 2007 34Si l’on envisage alors l’hypothèse qu’il y a un acte de parole, à repérer au niveau des qualités motrices débit, tessiture, articulation », et que si la voix véhicule la geste fantasmatique, c’est qu’elle incarne le geste du corps où s’inscrit la pulsion [105] » M. Mathieu, 1989, ne pourrait-on pas envisager l’impact intrapsychique de la sensorialité de l’organe vocal lors du geste phonatoire, comme pouvant traduire une part de la problématique subjective et identitaire de l’individu, et constituer simultanément une voie d’accès à certaines qualités de symbolisation de la conflictualité intrapsychique, voire d’une irreprésentabilité première ? 35Il s’agirait alors, en reconnaissant à la manifestation somatique vocale ses liens avec l’activité symbolique, de repérer les indices d’une régression formelle. L’agir vocal, se situant ainsi dans l’archaïque de cette régression, serait alors à envisager dans le réel d’un acte phonatoire prototypique [106] » de l’intrapsychique, et par là dans ses variantes extralinguistiques actes, infra-linguistiques mimiques, postures et phonétiques modes de déploiement de la voix [107] » M. Mathieu, 1989, comme une somatisation symbolisante » C. Dejours. Les formes, les rythmes, les perceptions ou expressions infraverbales, bref, tout ce qui aurait pu échapper au travail de la langue et à la chanson des corps dans la relation primitive [108] » Baranes, 2002 s’actualisant pour attirer des expériences psychiques originales et susciter de nouvelles perspectives de symbolisation. 36En somme, le vécu phonatoire ne serait-il pas l’occasion d’une expérience limite, à la frontière du psychique et du somatique, qui opérerait potentiellement une liaison entre les éléments du percept, les formes de la représentation et les traces de la mémoire, pour les inscrire dans une histoire et conférer une signifiance à la psyché », et ainsi donner corps à la matière psychique, la transformer et la sublimer par l’externalisation créatrice du fait-œuvre [109] » B. Chouvier, 2004? Ne serions-nous pas dans l’expérience du sensible phonatoire au cœur même d’un corps figuré » et figuratif », inévitablement soumis à cette force d’attraction exercée par l’originaire » dont parle P. Aulagnier ? Corps dans lequel se serait enraciné le récit des origines, et qui, au lieu corporel du geste vocal idéal, attirerait la tentative de penser ce monde étrangement familier dont on ne peut rien dire mais qui cherche à s’exprimer ? Notes [1] Ross D., Choi J. and Purves D. 2007, Musical intervals in speech, in Proc. of the Nature Academy of Science of the [2] Voire paragraphe voix de l’analogique » [3] Leroi-Gourhan A. 1964, Le geste et la parole, tome 2, Paris, Albin Michel, p. 212 [4] Ibid., tome 1, p. 298 [5] Trevarthen C., Gratier M. 2005, Voix et musicalité nature, émotion, relations et culture, in Castarède Konopczynski et all., Au commencement était la voix, Ramonville Saint-Agne, Éres, p. 105 [6] À savoir les variations du ton de la voix des hauteurs couplée à la rythmicité du débit et l’accentuation de la parole. [7] Fédida P. 2004, Quelques remarques sur psychanalyses et biologie, fécondité de l’hétérogène, in L’analogie, Bulletin de Psychologie, tome Paroles de Daniel BALAVOINE Musique de Daniel BALAVOINE © WARNER CHAPPELL MUSIC FRANCE, UNIVERSAL MUSIC PUBLISHING - 1985 Paroles de la chanson Tous Les Cris Les par Daniel Balavoine Comme un fou va jeter à la mer Des bouteilles vides et puis espère Qu’on pourra lire à travers SOS écrit avec de l’air Pour te dire que je me sens seul Je dessine à l’encre vide un désert Et je cours Je me raccroche à la vie Je me saoule avec le bruit Des corps qui m’entourent Comme des lianes nouées de tresses Sans comprendre la détresse Des mots que j’envoie Difficile d’appeler au secours Quand tant de drames nous oppressent Et les larmes nouées de stress Etouffent un peu plus les cris d’amour De ceux qui sont dans la faiblesse Et dans un dernier espoir Disparaissent Et je cours Je me raccroche à la vie Je me saoule avec le bruit Des corps qui m’entourent Comme des lianes nouées de tresses Sans comprendre la détresse Des mots que j’envoie Tous les cris les SOS Partent dans les airs Dans l’eau laissent une trace Dont les écumes font la beauté Pris dans leur vaisseau de verre Les messages luttent Mais les vagues les ramènent En pierres d’étoile sur les rochers Et j’ai ramassé les bouts de verre J’ai recollé tous les morceaux Tout était clair comme de l’eau Contre le passé y a rien à faire Il faudrait changer les héros Dans un monde où le plus beau Reste à faire Et je cours… Sélection des chansons du moment Les plus grands succès de Daniel Balavoine

comme une bouteille a la mer soprano parole